VEF Blog

Titre du blog : [re]naît-sens
Auteur : renaitsens
Date de création : 19-04-2008
 
posté le 07-05-2008 à 15:39:56

le jour ou tu es née

vendredi 28 septembre


Je t'attendais pour aujourd'hui
Nous allons voir Sophie.
J'ai tellement envie de te voir.
Mon col est mou, rétréci à 1 cm, encore pas d'ouverture.
Bon, j'ai compris, ce sera quand TU voudras ma douce.

Je me résouds à attendre.

Je prépare le repas du soir, j'ai des contractions, je ne m'alarme pas, ça fait des crises sur une demi heure et puis plus rien pendant une heure ou deux. Donc c'est pas le moment. Juste mon corps qui se prépare, qui s'entraîne. Ton papa part à Ososphère après le repas. Certaines contractions m'obligent à m'asseoir.
Je sens bien que ça vient, tout doucement.
C'est génial comme sensation, je ne panique pas du tout.
Je dors parfois, j'écoute mes contractons souvent, je te parle, je te dis : "hey ma douce ça y est, cette fois c'est pas une blague, tu vas vraiment me montrer le bout de ton nez. N'aie pas trop peur ma puce, je sais que mon ventre se durcit fort sur ton petit corps, c'est les contractions qui vont nous aider à venir à nous. Oui, tu travailles dur, je le sais, on va le faire ensemble ma douce, ça aussi, on va le faire ensemble et ça va être le plus beau spectacle dans lequel j'aurais jamais joué!"
J'essaye de dormir, je veux être en forme pour ta venue.
2 heures, je sens bien que je ne rendormirais plus sans toi dans mes bras.
3 heures, j'appelle ton papa
"tu es ou?"
"dans la rue, en bas, j'arrive"
Ton papa ne sait pas que tu arrives
Je vais lui faire la surprise!

"Tu sais, j'ai eu une révélation ce soir, je n'ai pas vu beaucoup de concerts, j'ai très peu bu mais je suis comme sur une autre planète!"
"Dors, mon cher, dors au moins une heure ou deux car ensuite je crois qu'il faudra partir"
"ah."
Je crois qu'il est sceptique, il y a eu déjà des contractions ou je croyais que ça allait arrivé...
Il dort
Nous, nous nous parlons, les contractions se rapprochent, s'intensifient, je suis tellement joyeuse et si sereine.

6 heures, ça fait mal et il faut que je partage ça avec quelqu'un
"Nico, il faut partir je crois"
"ok, je prend une douche, on appelle Sophie et on fait le point"
Il prend une douche
on appelle Sophie

"Je suis dispo c'est super, je viens de me lever je suis en train de déjeuner, on se rejoint à la maison de naissance"

Les pièces s'imbriquent comme des legos

Je suis si confiante, si sereine.

Je crois que je me demande quand même si c'est pas une fausse alerte malgré la douleur des contractions qui obligent Nico à descendre les trois étages avec moi dans ses bras.
Dehors il fait clair, tout a une épaisseur si particulière, le béton est si beau.

Je compte les contractions... 7 en une demi heure.... tu arrives cette fois ci c'est pas une blague.
Je suis allongée derrière, nous sommes silencieux, le voyage ne dure pas si longtemps.
J'ai mal, je respire en moi, j'aide les contractions à venir, je les laisse faire leur travail.
Nous arrivons à 8 heure, Sophie est là, elle nous attend. Je pleure de joie d'être arrivée, que tu viennes, que Sophie soit disponible, que ton papa me porte.
Nous montons l'étage, arrivés en haut je m'assois sur le banc dans l'entrée, les larmes coulent toujours. Sophie me demande si ça va.
"Mais oui, ça va, ça n'est jamais allé aussi bien, ça y est elle arrive, je suis si heureuse"
La joie surpasse de loin la douleur.
Dans la chambre je me sens comme chez moi, je me sens là où je dois être, parfaitement collée à moi, à ma vie, pas décalée du tout, ni dans mon corps, ni dans ma tête, ni dans mon être. Je savoure la chance que nous avons et que nous nous sommes donnée d'être là, si bien entourés. Tout est calme, serein, le temps a une épaisseur exceptionnelle. Sophie m'ausculte, je suis à 4. Ouf! On a déjà bien travaillé dis donc!


Quelques contractions dans le lit et puis tout s'accélère ça devient vite limite supportable. Sophie me propose un bain. J'accepte mais quand il est coulé je me dis que jamais je n'arriverai  jusqu'à la baignoire. Nico me porte, quand je vois le bain, j'ai envie de vomir, quand je m'y mets c'est un paradis.
J'intériorise la douleur, enfin comme d'habitude, je décolle, je m'envole. Je laisse faire les contractions, je t'écoute, je laisse mon corps faire son travail. La contraction arrive, elle monte, elle me submerge et chaque fois que je la laisse passer sans lutter j'ai l'impression que je meurs. Mais je sais bien que je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Un concentré aussi fort d'émotion, de vie, nous donne cette impression que nous mourons mais c'est la vie qui est là. Comme parfois déjà, je sens parfaitement mon être et il n'est pas question de vie ou de mort à l'échelle de l'être.
Je suis là avec Nico qui ne comprend pas, qui laisse couler.
je l'entends quand même demander à Sophie à un moment : "Elle va bien"
et Sophie de lui répondre
"oui, t'inquiète pas, elle va bien, laisse la partir, elle est dans sa douleur, elle est plus vraiment là, t'inquiète pas"
Ma douce, je ne sais pas si tu t'imagines à quel point je remercie Sophie de t'avoir accompagné au monde, de m'avoir laissée être, à mon rythme, à ma manière, de ne pas avoir paniqué parce que j'étais partie, d'avoir respecté mon rythme sans me brusquer... Elle qui est si pressée et overbookée tout le temps... c'est drôle.
Elle regarde où j'en suis.
"Bon Marie, on va sortir doucement du bain, tu es à 8 votre puce  ne va pas tarder"
8!
En à peu près deux heure je suis passée de 4 à 8...
Je ne lâche pas. Je reste avec les contractions, avec toi qui descend, je vous aime.
Je sors du bain.
Après je me souviens mal... Je vais jusqu'au lit. Au début je ne suis bien que sur le coté. Le reste de la dilatation vient vite. Sabine est arrivée, elles sont calmes, elles me sourient. J'alterne un coté puis l'autre pour que tu nous montres ta tête sous un bon angle. Je me concentre à être avec la contraction et pas contre. ça joue...
Puis je suis très mal allongée, je me relève accroupie au bord du lit, Nico me sert de chaise et de corde, il soutient mon corps avec son torse comme un dossier et tient mes jambes, une de mes mains agrippe son cou (il racontera plus tard que je lui ai déplacé deux vertèbres. A partir de là, peut-être que je crie, je ne sais plus.
Je sais que depuis la baignoire la douleur est si intense que je chante pendant les contractions.
hum hum hmmmmm

Sabine me montre dans un miroir le sommet de ton crâne.
On est scotché.
En fait c'est bien dans le dos qu'il faut pousser, vraiment comme pour faire caca. Mes contractions sont courtes (c'est bien ce qu'il me semblait dès le début) et toi tu pousses, tu pousses et moi il faut que je gère de ne pas me laisser aller à pousser quand tu pousses si c'est en dehors des contractions mais c'est pas évident nom de Dieu. Tu pousses si fort! Je sais que je te dis quelque chose, je me souviens que je te parle, je te dis "oui, c'est bien ma puce, tu travailles bien, c'est super, on fait un super trio. Sophie est très concentrée, j'apprendrai après que c'est le premier accouchement qu'elle gère de a à z en dehors de la clinique, elle a du avoir peur de nous le dire. Si elle savait comme j'ai confiance en elle, peut-être plus qu'elle même, elle me l'aurait dit, ça n'aurait rien changé du tout.
Et puis, je sens bien que ta tête est en train de sortir, ça déchire un petit peu mais je l'apprends après. Franchement à ce moment là, c'est pas à la douleur qu'on pense.
Ta tête sort, ton visage est tourné vers nous. Deux billes noires comme un trou sans fond, comme un univers, l'infini dans tes yeux, voilà ce que je vois. On te saisit avec ton papa. Maintenant que ta tête est sortie on accompagne le reste de ton corps à la lumière, à quatre mains. On en croit pas nos yeux. Il y avait donc bien un petit être dans mon ventre et le voilà!, Tu nous regardes si intensément. On te tient devant nous dans nos bras.
"Bonjour petite danseuse, tu es belle, bienvenue, on a tous bien travaillé et on est content de t'accueillir dans ce monde" et je me répète dans tous les sens, un mot avant l'autre, l'inverse, mes mots rebondissent sur du coton. puis je tourne mon visage vers ton papa qui est derrière moi et qui te tient toujours et qui est resté silencieux. Il pleure toutes les larmes de son corps en te regardant, il n'en revient pas.

Pendant ce temps il se passe des choses que je ne capte pas. Sabine a coupé ton cordon et je regrette de ne pas avoir pris le temps de te prévenir, la délivrance arrive aussi. Tu es contre moi, tout contre moi, tes grands yeux sont ouverts, tellement ouverts, tu regardes d'un air curieux.

 

 

 

Mon placenta ou plutôt ton placenta est intact. Parfait. Il est aujourd'hui les racines d'un rosier dans le jardin où j'ai grandi. Il va falloir faire quelque points. Même pas peur! La rigolade. Dire que c'était ma hantise une épisio et les points après.  Pas d'épisio (merci Sophie et Sabine) et les quelques points me font pas peur.

Tu vas donc contre ton papa. Tu es couchée contre son torse, ta petite tête renversée en arrière, ton regard est planté dans celui de ton papa et je ne sais pas lequel de vous deux est le plus surpris, le plus enfant, le plus ému.

 

 

 

Pendant près de 3/4 d'heure, comme ça sans bouger. Vous êtes si beau. Puis je te reprends dans mes bras.


J'ai un bel hématome et 3 points mais je ne sens encore rien.
Je suis en pleine forme.
Cocktail d'hormone bien réglé auquel nous n'avons rien ajouter... tout suit son cours, l'adrénaline d'après la naissance fait son travail.
Je veux te mettre au sein, Tu as l'air d'accord. C'est pas évident, évident. Ils sont énormes et tu as du mal a garder le téton aspiré longtemps dans ta bouche. Puis tu t'endors près de nous. Le petit déjeuner est servi. Je mange comme jamais. J'avais tellement faim depuis que tu étais sortie.
Je pète la forme.
Je me lève pour aller chercher de l'eau.
Sabine et Sophie me regarde avec des yeux ronds, je me fais engueuler gentiment.
OK. Apparemment ce n'est pas dans les moeurs qu'une femme soit debout une heure après l'accouchement.
Bon faut pas que je déconne, quand je vais redescendre je vais moins rigoler.
Nico mange bien aussi, la teuf à Ososphère, ça creuse!
On remplit les papiers, une naissance c'est aussi ça... bof...
Sur les carnets de santé allemands et français il y a marqué Dionysia Lutz.
"Dionysia c'est le prénom qu'on a choisi pour t'accompagner dans cette vie", c'est ce que je dis avant de te mettre au sein et ton papa dit "Dionysia"
ça sonne doux c'est ton prénom, vraiment le tien, jamais je n'aurais cru que mon enfant s'appellerait comme ça... comme quoi les enfants choisissent aussi leur prénom.
Je vais aux toilettes. Un des points est situé près du méat. Je hurle. Sabine me montre. La douche, le lavage, à chaque fois, ne pas tomber dans les pommes, pas s'infecter, ça va aller. mmmouais....
Ca devra bien aller. On remballe tout, tout doucement, on te met le gilet rouge de mamy loup et les chaussons, le bonnet lui, comme prévu est deux fois trop grand.
Nico prend des photos, il ne faut pas oublier, maintenant il va falloir en parler, maintenant qu'on comprend dans notre chair combien accoucher naturellement et à notre rythme est une belle aventure et combien c'est important.

 

 

 

 

 

 

Commentaires

magoo le 24-06-2008 à 12:46:17
trop trop beau !!!
renaitsens le 02-06-2008 à 17:47:48
merci pour vos commentaires et témoignages

c'est encourageant,Clin doeil

pour les naissances passées, je vous souhaite plein de bonheur à en reparler,encore et encore avec vos parents, avec vos enfants, même si au début ça peut faire mal dans certains cas.

pour les naissances à venir, je vous souhaite toute la confiance du monde en vous et votre enfant pour accomplir ce passage.
Emelor le 02-06-2008 à 16:50:06
J'ai adoré... Je me suis beaucoup retrouvée lors de ton récit de ta propre naissance et dans ta quête vers une naissance respectée, naturelle. Moi aussi, il me semble avoir eu envie d'un enfant depuis très longtemps. J'ai rencontré l'homme de ma vie et nous avons eu des jumelles le 29 novembre 2005. Je m'étais préparée et j'avais même trouvé une SF libérale pratiquant l'AAD. Mais à la deuxième écho, on apprend qu'il y a deux bébés. Donc, pas de possibilités d'accoucher chez soi. Je ne me laisse pas destabiliser et je veux croire à une naissance respectée même en maternité, même pour des jumelles. Nous y avons cru jusqu'au bout, on nous a fait croire que... mais ces personnes en blouse blanche, on fait leur travail. Le reste ils s'en fichent. J'ai vécu un accouchement très difficile avec des maladresses médicales et au delà de la douleur qu'on oublie assez vite une blessure psychologique profonde et destructrice. Pour bien comprendre, je ne citerai qu'un bref passage de mon témoignage:"Un

corps de femme âgé de 26 ans a été accouché à la maternité de Gisors le

29 novembre 2005. Mélanie!!!!!!!!! Où est-elle passée???? je ne sais pas

. Je crois au fond que je n'existais que pour mon mari et mes filles et

qu'au travers d'eux. Merci à vous. Vous avaient été d'un très très très

grand soutien. Vous avez permis à Mélanie, à moi d'exister ce jour-là.

Si vous n'aviez pas été là. Je crois que je me chercherais encore."

Depuis, je me suis vraiment retrouvée mais il m'a fallut beaucoup de temps. J'ai travaillé avec ma thérapeute, j'ai travaillé sur ma naissance et j'ai vécu ma renaissance. Aujourd'hui, je me sens prête plus que jamais à envisager une autre grossesse. Et, je sais qu'au delà du désir de cet enfant, ce sera aussi une complète guérison par rapport à ce vécu tant pour moi que pour mon mari. J'espère bientôt pourquoi pas te témoigner de mon accouchement à la maison. Merci encore et continuons à défendre ce qui nous semble juste.
Flav* le 29-05-2008 à 23:58:35
Merci d'etre venue signer ma petition...et en te lisant je comprends qu'on a la meme demarche et pourquoi il faut que je continue à y croire...car c'est un cadeau de vie d'offrir une naissance comme ça à un enfant....mais aussi un cadeau que tu fais à ton homme (le mien s'appele niko aussi....je m'y croyais), mais aussi à toi meme.....

J'espère pouvoir te faire lire le recit de mon accouchement qui finallement se fera peut-etre à domicile...avec la sf qui m'a suivi tout le long...et apres.... et pour tous les enfants suivants...je l'espère de tout mon etre...

Encore Merci....Flav*
soph-ie le 29-05-2008 à 15:38:48
tout simplement magnifique! et émouvant!
Aliciaa le 27-05-2008 à 12:04:02
Ce texte est vraiment émouvant et riche en enseignements.

J'espère que mon accouchement se déroulera de cette façon aussi naturelle et évidente.

Merci de témoigner. Vous avez l'air d'une bien belle petite famille!